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Réserve naturelle du Westhoek : promenade entre dunes et mer

À l’extrémité de la côte belge, vers la France, on s’éloigne un instant des stations balnéaires et des digues bétonnées pour retrouver le charme intact d’une nature enfin respectée et protégée. Se promener dans la réserve naturelle du Westhoek est un pur bonheur surtout en ce mois où les touristes sont rares.

Janvier 2022. En ces journées particulièrement courtes, soleil et brume se disputent la vedette en mer du nord. Ce qui me donnera l’occasion de découvrir des ambiances très différentes dans le Westhoek. Tour à tour mystérieux ou riant, toujours dépaysant, souvent surprenant, jamais monotone.

Quelques sentiers sillonnent la réserve naturelle du Westhoek mais de larges zones restent inaccessibles pour protéger la faune et la flore. Cela n’entame en rien le charme et l’intérêt de la promenade. D’autant que plusieurs belvédères, judicieusement positionnés, offrent une vue panoramique jusqu’à la mer.

Le Westhoek : plus grand massif dunaire de Belgique

La réserve naturelle du Westhoek, qui se situe sur la commune de La Panne comprend la plus grand zone de dunes ininterrompue de la côte belge (340 ha), auxquelles on peut ajouter le Calmeynbos adjacent (100 ha) et les Oosthoekduinen (100 ha) qui constituent la ceinture verte de La Panne. De l’autre côté de la frontière, les dunes du Perroquet (225 ha) complètent ce paysage dunaire. Quelques heures suffisent donc pour observer cet univers si particulier.

Un peu d’histoire

En contemplant le paysage du Westhoek, tellement plus apaisant que les alignements d’immeubles que l’on aperçoit au loin et qui défigurent le front de mer de chaque station balnéaire de la côte belge, on ne peut s’empêcher de rêver à ce que devait être ce littoral avant l’urbanisation galopante et le tourisme de masse.

Jusqu’au début du siècle dernier, les dunes côtières constituaient un paysage ininterrompu. Aucun building n’arrêtait le regard. Tout allait changer après la construction de la route royale en 1933 et l’érection de centaines de buildings à appartements à vocation balnéaire. En conséquence, les dunes ont été coupées en morceaux de plus en plus petits. A l’heure actuelle, il ne subsiste plus que la moitié des 5.000 hectares originels. Le cordon dunaire est encore présent sur une trentaine des 65 kilomètres de côte. (lesoir.be)

Pour mieux comprendre, j’ai fouillé le passé de cette région frontalière singulière. Voici ce que j’ai trouvé :

Du Moyen Âge jusqu’au 18e siècle, la plus grande partie des dunes entre Dunkerque et Koksijde étaient la propriété du comte de Flandre. A partir de 1775, les dunes de la « Flandre française » appartiennent successivement aux villes de Dunkerque et de Bergues, puis aux municipalités locales, avant d’être vendues à des particuliers. De même, sur l’ancien territoire autrichien, actuellement belge, la propriété des dunes côtières a été privatisée pendant l’occupation et la gouvernance françaises de 1795 à 1815.

Au 19e siècle deux grands propriétaires se partagent les dunes de La Panne: Louis Ollevier et Pieter Bortier. Ils les utilisaient comme terrain de chasse. On évita ainsi le morcellement des parcelles.

En 1870-1880, la construction du chemin de fer Dunkerque-Veurne transformera certaines parties des dunes en carrières. Des zones entières sont ainsi effacées. À La Panne, l’extraction la plus importante a lieu pendant la Première Guerre pour fournir des sacs de sable aux tranchées des troupes alliées.

À La Panne, la première phase d’urbanisation a lieu entre 1892 et 1913 avec la construction du quartier Dumont. Du début au milieu du 20e siècle La Panne poursuit son développement à un rythme soutenu.
Plus tard, ce sont paradoxalement des ordonnances de « protection » défectueuses qui permettront la construction du lotissement très contesté du Westhoek (entre 1970 et 1993) au détriment des dunes.

Le camping du Perroquet installé dans les dunes françaises en 1958 a connu une expansion démesurée. Propriété privée, il pollue malheureusement toujours le paysage aujourd’hui.


Grâce aux informations glanées sur le site très complet de bliedemaker (consacré à La Panne – en flamand) , on se rend compte à quel point l’activité humaine fut peu respectueuse de cet espace naturel et l’a irrémédiablement métamorphosé. Heureusement, depuis quelques années la préservation et la protection des milieux naturels reprennent leur droit dans les préoccupations humaines. 

En 1993, un décret allait venir mettre un peu d’ordre à tout ça. Plus de 1.000 hectares de dunes allaient être protégés. Il était également décidé de mettre fin au grignotage des étendues de sable par les promoteurs immobiliers ou d’en tout cas mieux le contrôler. Un peu partout dans les différentes communes du littoral, des réserves naturelles allaient être créées afin de préserver le biotope et la biodiversité. (lesoir.be)

Protection du complexe dunaire transfrontalier  

En 1957 l’État belge acquiert 338 ha de dunes qui seront appelées Réserve Naturelle Nationale De Westhoek. A côté de cette réserve naturelle, la société d’eau potable IWVA acquiert 98 ha de dunes (« Krakeelpanne« ) ainsi que des dunes boisées (‘Calmeynbos’) exploitées comme zone de prélèvement d’eau dès 1966.

Du côté français, à partir de 1975, le Département du Nord et le Conservatoire du Littoral acquièrent progressivement la plus grande partie des dunes entre Bray-Dunes et la frontière belge, à l’exception des terrains du camping qui longent la frontière et d’une zone appelée Dune du Calvaire.

Désormais, plus de risque de cannibalisation par des projets urbanistiques pharaoniques et destructeurs.  

Pourtant rien n’est figé en ces lieux fouettés par l’eau et le vent. Les dunes intérieures « verdissent » progressivement et les dunes du bord de mer diminuent de hauteur, tandis que la dune centrale devient moins mobile.  La faute aux lotissements et aux interventions humaines mais pas seulement …

Diversité du paysage

En se promenant au cœur de la réserve naturelle, on se rend compte que toutes les dunes ne se ressemblent pas ! Dans le Westhoek on distingue différentes zones qui correspondent à différents stades de développement des dunes : les dunes bordières ou avant-dunes (près de la plage), les dunes internes paraboliques et les dépressions humides (pannes) qui se remplissent d’eau au gré des grandes marées.

Bon à savoir : une panne est une dépression ou creux, créée par l’envol du sable jusqu’à l’apparition de l’eau de la nappe phréatique (une eau douce !). Au printemps, elles sont souvent inondées. Ces pannes jouissent d’une biodiversité exceptionnelle.

Sans oublier la grande dune centrale dérivante de plus de100 ha, surnommée le Sahara, qui constitue l’une des attractions du lieu. Le vent dominant du sud-ouest déplace cette énorme masse de sable en direction de l’est à une vitesse de 5 à 10 mètres par an. Au cours de la dernière décennie, cependant, cette plaine ouverte s’est agrandie de plus en plus.

Enfin, la partie sud, plus ancienne, est envahie par une jeune forêt dunaire et une végétation de prairie pâturée. Certaines parties sont actuellement fortement desséchées en raison de l’extraction d’eau.

Bon à savoir : Un chouette projet transfrontalier « Dunes de Flandre sans frontière » vise à préserver la diversité du paysage côtier de Dunkerque à Westende et à restaurer et/ou protéger les différents types de dunes : dunes blanches (à oyats), dunes grises (à végétation herbacée), dunes à argousier, pannes, etc. Et à lutter contre l’embroussaillement des dunes et des pannes.  


3 points d’observation
ont été créés pour permettre aux visiteurs et aux promeneurs d’admirer le paysage et d’en apprécier toute la diversité !

Faune et flore

Plus de 400 espèces de plantes poussent au Westhoek. Ainsi que de nombreuses mousses et lichens. Sous l’influence du vent, du sable et de l’eau de mer, cette végétation évolue sans cesse.  

Mention spéciale pour l’argousier, cet arbuste épineux emblématique des cordons dunaires. Haut de 1 à 5 mètres, il tolère des températures extrêmes (de -43° à +40°C), développe rapidement ses racines et peut aider à ralentir l’érosion du sol.

On apprécie ses baies orange que l’on peut sans crainte déguster. Réputées pour leur teneur exceptionnelle en vitamine C et leur fort pouvoir antioxydant, elles sont peu caloriques, peu sucrées et très riches en fibres.

Les dunes attirent bien sûr divers oiseaux. En hiver, c’est le royaume des grives dont la mauvis et la litorne. Tandis que dans les blocs de pâturage, on peut apercevoir des chevaux Koniks ou des bovins Highand écossais.

Promenade entre dunes et mer

À l’office du tourisme de La Panne vous pourrez vous procurer gratuitement une carte des randos ou bien télécharger ici le PDF des sentiers pédestres de La Panne.

Pour concrétiser ce rapide tour d’horizon du Westhoek, je vous propose une balade de 6-7 km, sans grande difficulté, entre mer et dunes. Elle démarre soit au bout de la digue de La Panne, au monument Léopold Ier, soit à l’une des entrées du Westhoek. Elle emprunte des chemins balisés, suit une partie du chemin de la frontière franco-belge, retrouve la mer et longe la vaste plage pour revenir à La Panne.

La promenade ne présente aucune difficulté si ce n’est que marcher dans le sable meuble est plus fatigant.

Bon à savoir : Dans la réserve naturelle, des clôtures grillagées invitent à respecter le tracé des sentiers, car il est interdit de se promener n’importe où dans ces dunes. Alors, même si la tentation est grande parfois, mieux vaut éviter les écarts !  

Point de départ : Rejoignez l’entrée du Westhoek au bout de la Schuilhavenlaan, à hauteur du Vissersdorp. Vous y trouverez quelques rares places de parking.   

Empruntez le sentier qui part juste en face, le ligusterpad (en vert sur la carte – n°3) et s’enfonce vers l’intérieur de la réserve naturelle, en passant par différents types de dunes.

On atteint un premier promontoire d’où l’on peut observer les alentours.   

A l’intersection principale avec le helmpad (en jaune sur la carte – n°1) prenez vers la droite en direction de la frontière. Vous êtes en plein sahara !

Ici, à l’abri du vent, le soleil invite à tomber la veste (même en ce mois de janvier) … J’ose à peine imaginer la fournaise que cela doit être en été !

Après la traversée du sahara, on longe une zone de pâturage à laquelle on accède par une chicane. Et un nouveau point de vue panoramique sur la droite offre une halte bienvenue.

Vous atteignez ensuite le grenspad que vous suivez vers la droite en direction de la mer.

Arrivé en bord de mer, tournez à droite et suivez le slufterpad

ou rejoignez tout simplement le bord de l’eau que vous suivez en direction de La Panne que vous apercevez à droite à l’horizon.

En se rapprochant de La Panne, vous apercevrez une digue en béton, construite en 2002 pour éviter l’érosion. Elle démarre par un improbable pont dont je peine à deviner l’utilité.

Après quelques recherches, il s’avère que cette structure permet à la mer de pénétrer à l’intérieur des dunes lors des marées de vive-eau (en combinaison avec de forts vents d’ouest) et d’inonder deux petites vallées d’1 ha afin de stimuler la formation de dunes embryonnaires et de créer des zones de vasières et de marais salés. On appelle la zone ainsi créée un slufter qui abrite une flore et une faune très typique. 

Cette chouette balade iodée s’achève ici. J’espère qu’elle vous plaira autant qu’à moi.   

4 réponses
  1. NatureChaussures dit :

    Bonjour !
    Eh bien, je ne connaissais pas du tout ce coin de Belgique…
    Je fais mes recherches pour ma petite expédition de cet été qui m’emmènera jusqu’à Amsterdam à vélo, et je pense bien que Westhoek fera partie de mes arrêts obligatoires !
    Merci beaucoup pour votre partage et vos superbes photos 🙂
    Amitiés,
    Mat

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    • Christiane dit :

      Merci pour votre commentaire bien sympathique, qui m’a par ailleurs permis de découvrir votre site plein de bons conseils. Je vous souhaite une bonne escapade à vélo cet été ! Amicalement, Christiane

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  2. Maxime Reubsaets dit :

    Bonjour, je rentre du « chemin vert » et, curieux, je lis votre article. Super intéressant et qui complète mon information que je découvre lacunaire à propos de ces dunes que je fréquente pourtant régulièrement depuis mon enfance.. Parcourir votre article fut aussi plaisant que parcourir la réserve. Merci pour cet éclairage. Maxime

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    • Christiane dit :

      Merci pour votre commentaire. Ravie d’avoir pu compléter votre connaissance de cette belle réserve naturelle ! Christiane

      Répondre

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