Furnes dans la brume : balade entre patrimoine et nature
À deux pas de la côte belge et de la frontière française, Furnes est une charmante petite ville au riche patrimoine qui mérite amplement le détour. Moins touristique que sa voisine Ypres, elle a pourtant bien des atouts.
Janvier 2022. Par un après-midi ensoleillé, nous quittons le littoral belge pour une excursion dans l’arrière-pays, sans imaginer un seul instant que le brouillard nous rattraperait en cours de route. Bah… cela ne nous empêcha pas d’admirer la ville de Furnes et cela ajouta même un brin de mystère à la promenade patrimoniale que j’avais repérée dans les prospectus touristiques.
De Furna à Veurne : un passé riche en rebondissements
Ce qui impressionne quand on arrive au centre de Furnes (Veurne), c’est la taille de la Grand Place. Elle est vraiment démesurée pour une si petite ville de province. Pas besoin de long discours, la taille, le style et le prestige des édifices qui l’entourent racontent déjà bien des histoires.
Un peu d’histoire
Pour mieux comprendre l’importance de Furnes, un rapide survol de son histoire s’impose.
877 : la première mention de la ville, Furna, fait référence à une île qui émergeait d’une zone marécageuse. À cette époque, Furnes est une bourgade déjà bien fortifiée (pour se protéger des Normands).
À partir du 11e siècle, le comté de Flandre est subdivisé en châtellenies. En 1060, la châtellenie Furnes-Ambacht regroupe 42 paroisses.
12e & 13e siècle : c’est l’âge d’or de Furnes qui fait partie de la Hanse londonienne, un groupement de villes flamandes qui entretenaient des relations commerciales avec Londres. C’est de cette époque de datent les églises Saint-Walburge et Saint-Nicolas.
15e siècle : construction d’un nouvel hôtel de ville, que l’on baptisera plus tard le pavillon espagnol
1586 : les deux administrations qui existaient jusqu’alors à Veurne (celle de la ville et celle de la châtellenie) fusionnent.
17e siècle : la plupart des bâtiments de la ville datent du règne prospère des archiducs Albert et Isabelle installés à Furnes.
1637 : première procession des Pénitents organisée par des religieux norbertins. Une tradition encore vivante aujourd’hui (en juillet).
Fin 17e : Vauban construit d’épaisses fortifications autour de la ville
18e siècle : La ville connaît un nouveau souffle sous le règne de Marie-Thérèse d’Autriche et de Charles de Lorraine. À la Révolution française, la vente de l’église Saint-Walburge, avec son chœur du 13e siècle, est évitée de justesse. Veurne connaît ensuite une période de tranquillité.
Durant la Première Guerre mondiale, la plaine de l’Yser est inondée. Le roi Albert Ier installe son quartier général à l’Hôtel de ville de Veurne. Poperinge et Furnes sont les seules villes belges à ne pas être occupées par les Allemands.
Aujourd’hui, Veurne est une petite ville paisible, constituée de dix communes rurales et comptant à peine 12.000 habitants.
Promenade patrimoniale à Veurne
L’office du tourisme de Veurne propose un itinéraire patrimonial de 4,6 km. Arrivés à la Grand Place (Grote Markt) nous nous dirigeons donc vers l’O.T. situé dans l’ancienne maison de la Châtellenie (landhuis) pour récupérer le plan et le dépliant de la promenade qui démarre juste à côté en empruntant le passage voûté qui sépare l’hôtel de ville (stadhuis) de la landhuis.
À présent, il suffit de suivre le plan et les 120 rivets qui jalonnent le parcours.
À gauche du passage, l’Hôtel de Ville date de 1596. Il est construit dans le style flamboyant de la Renaissance flamande. À l’intérieur, des murs tendus de cuir de Cordoue ou Malines et de velours d’Utrecht. Les salles regorgent de tableaux du 17e siècle et de meubles et objets du 15e au 17e. C’est ici, au premier étage, que le roi des belges Albert Ier établit ses quartiers en 14-18. Un musée en témoigne (Vrij Vaderland).
À droite du passage, la landhuis (1618), construite en pur style Renaissance, était à l’origine le siège du vicomté de Furnes-Ambacht, puis le palais de justice, .
À l’arrière-plan le Beffroi (1628), ou Tour Cécilia, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999. Il symbolise la fusion administrative de la ville et de la châtellenie Veurne-Ambacht qui eut lieu en 1586. Il fait partie de l’ensemble bâti du Landhuis.
Bon à savoir : Par opposition au donjon (symbole des seigneurs) et au clocher (symbole de l’Église), le beffroi, troisième tour du paysage urbain, représentait le pouvoir des échevins. Au fil des siècles, il est devenu le symbole de la puissance et de la prospérité des communes.
De l’autre côté de la Grand Place, c’est le Pavillon espagnol érigé au 15e siècle qui servit d’hôtel de ville jusqu’en 1586. Au 17e siècle les officiers espagnols en firent leur quartier général (d’où son nom).
Le passage couvert mène à un parc urbain situé à l’emplacement de la forteresse du 9e siècle. À droite, l’église Sainte-Walburge émerge de la brume. L’édifice qui date du 13e siècle ne fut jamais terminé. Pourtant, l’impressionnant chœur de 27m de haut est révélateur de l’ambition de départ.
L’itinéraire contourne le parc Sainte-Walburge en direction de la Zwarte Nonnenstraat, la plus ancienne rue de Furnes.
Plusieurs belles façades classées témoignent du riche passé de la ville.
Chemin faisant, nous passons devant la maison des chanoines, la maison des marins, l’ancien couvent des Sœurs Noires et d’autres maisons de maître de différentes époques, du 15e au 17e siècle.
En suivant les clous cuivrés, nous aboutissons au Parc Vauban, à l’endroit même où Vauban, sous l’ordre de Louis XIV, érigea d’imposants remparts à la fin du 17e siècle. Il n’en reste rien aujourd’hui mais on devine encore la forme étoilée du système de défense.
Le sentier se poursuit le long des canaux qui entourent Furnes. Les ruelles pavées sont déjà loin. On découvre un tout autre visage de la ville. Jadis nœud commercial important, les alentours étaient pourtant essentiellement agricoles. Des terres fertiles gagnées sur des zones inondées et des marais asséchés il y a bien longtemps.
De petites maisons bordent les canaux qui s’étirent à perte du vue. Et les brumes s’y perdent, emportant avec elles les dernières notes de la chanson de Brel. Ce plat pays qui est le mien …
Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu …
Avec un pâle soleil surgi du brouillard qui donne au paysage des allures fantasmagoriques.
Pas un bruit alentours. La ville semble assoupie. Ambiance ouatée, presqu’irréelle.
Et sur les pistes rectilignes, quelques cyclistes pressés frôlent les rares touristes égarés.
Après cet intermède campagnard, l’itinéraire nous ramène en ville. Nous passons au large de l’actuel port de plaisance qui fait face au Collège épiscopal que l’on devine dans la brume. Construit en 1891, on y aménagea le Belgian Field Hospital en 1914. C’est là que Marie Curie et sa fille formèrent des médecins à l’utilisation des premiers appareils à rayon X.
Enfin, avant de rejoindre la Grand Place on passe à côté de l’église Saint Nicolas (16e) dominée par une tour massive datant du 13e siècle qui abrite l’une des plus anciennes cloches flamandes, la Bomtje (1379). En cas de menace de guerre ou d’incendie elle réveillait les habitants de Veurne.
Le poète allemand Rainer Maria Rilke, qui séjourna à Furnes en 1906, lui a dédié une ode, der Turm.
De retour sur le Grote Markt nous nous arrêtons devant l’ancienne Halle aux viandes (oud vleeshuis) et passons encore quelque instants à admirer plus en détail l’incroyable richesse des bâtiments qui entourent cette magnifique place.
Et si la balade vous a plu, sachez qu’il y en a d’autres dans le coin :
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