Impressions d’un après-midi à Giverny

Même sous un soleil timide, la maison et le jardin de Monet à Giverny sont un véritable enchantement pour les yeux, pour le cœur et pour l’esprit. Impressions d’un après-midi en paradis impressionniste.

Une longue maison rose pâle aux volets verts, mangée par les grimpantes et résolument tournée vers un jardin enchanteur, aux milles couleurs.

Le décor est campé. Les visiteurs vont et viennent, multiplient selfies et clichés. Une seule envie : oublier la rumeur pour plonger dans l’univers du peintre, goûter la douceur du moment en s’asseyant sur l’un des bancs face au jardin. S’abstraire de la foule et laisser glisser le regard sur les parterres aux harmonies subtiles. À commencer par ce camaïeu de tulipes roses sur fond de myosotis. Une pure merveille.

Monet, peintre et jardinier d’un art de vivre

Cela fait bien longtemps que Monet me passionne, que son œuvre me subjugue. Quelle merveille cette manière de transformer le moindre paysage en palette de couleurs chatoyantes, changeantes, envoûtantes !

Cette passion ne date pas d’hier. En 1995, à l’occasion de mon premier déplacement professionnel aux États-Unis, j’avais eu la chance de visiter la première rétrospective Claude Monet organisée au Chicago Art Institute. Un souvenir inoubliable.

Avec 159 tableaux, l’exposition était considérée comme la plus grande jamais consacrée à Monet. Elle rassemblait des peintures à l’huile et dessins provenant de plus d’une douzaine de pays, dont de nombreuses pièces de collections privées rarement vues par le public.

Il me semblait naturel de passer des tableaux exposés au musée à la source même de l’inspiration du maître. Mais l’occasion ne se présentera que 20 ans plus tard.

Visiter la maison et surtout les jardins de Monet, c’est pour moi une autre manière d’aborder son œuvre. Arpenter les allées du jardin, découvrir les différentes pièces d’habitation, admirer les estampes, les peintures et les meubles qui les décorent … tout cela me parle de la vie du peintre (de son univers intime). Et même si, par la force des choses, il y manque un élément essentiel – le mouvement – la richesse des décors et la précision des reconstitutions sont déjà de précieuses indications.

Claude Monet a passé 43 ans dans sa maison de Giverny (de 1883 jusqu’à sa mort en 1926). Passionné de jardinage autant que de peinture, il y a composé un double jardin comme une véritable œuvre d’art.

A la mort du peintre, sa belle-fille, Blanche Hoschedé, veille sur la propriété. Mais après la seconde guerre mondiale, le domaine est négligé, puis finalement légué à l’Académie des Beaux-Arts en 1966. Plusieurs années seront nécessaires pour lui redonner sa splendeur d’antan.

Plan du site & visite de Giverny

La Fondation Claude Monet, qui gère la maison et le jardin de Monet, propose un plan du domaine de 1,8ha. On constate que c’est à la fois grand (pour une maison particulière) et relativement petit (surtout si l’on tient compte du nombre de visiteurs en constante augmentation – près de 700 000 en 2018). C’est peu de dire qu’il y a du monde sur les plates-bandes.

La maison et le jardin de Monet sont ouverts au public depuis 1980. On vient des quatre coins de la planète pour les visiter. Et dans la foule qui attend patiemment de pouvoir pénétrer dans le sanctuaire, on parle toutes les langues.

Un conseil : pour éviter l’attente, achetez un billet coupe-file (voir conseils pratiques en fin d’article)

La maison de Monet à Giverny

La première chose qui frappe lorsqu’on aborde la maison de Monet par le jardin, c’est la longueur de sa façade où pas moins de 11 fenêtres par étage s’ouvrent sur le jardin, sur deux niveaux.

La taille de la maison s’explique aisément puisque Monet y habitait avec sa famille recomposée, à savoir ses deux fils d’un premier mariage et les 5 filles de sa seconde compagne, Alice Hoschedé. Il fallait donc de la place pour héberger cette grande famille, les amis de passage … sans oublier bien sûr l’atelier de l’artiste.

L’atelier-salon du peintre

La visite commence par la partie la plus significative : le premier atelier du peintre. Tout y a été reconstitué à l’identique selon des témoignages et des photos d’époque : soit restauré, soit copié. Sur les murs, en hauteur, 60 reproductions de tableaux. Exactement ceux que l’on voit accrochés sur une photo du maître dans son atelier en 1915.

Manifestement, cette pièce fait plus penser à un salon qu’à un atelier. Et de fait, ce premier atelier a changé de fonction dès 1890, quand Monet a eu l’occasion d’acquérir un nouveau bâtiment pour y installer un deuxième atelier, plus grand et plus fonctionnel.

Le deuxième atelier de Monet se situe à l’angle de la propriété. Ce bâtiment avec terrasse, galerie vitrée et une verrière au nord est plus fonctionnel et spacieux. Il héberge aujourd’hui la conservation et n’est malheureusement pas accessible au public.

Les pièces à vivre

La visite se poursuit au rez-de-chaussée par la salle à manger jaune soleil : des peintures aux mobiliers, tout y est fait pour illuminer et égayer les repas familiaux. Ici aussi la scénographie est soignée : les détails contribuent à restituer l’univers du peintre. De la vaisselle en faïence bleue aux estampes japonaises aux murs.

On découvre ensuite dans la vaste cuisine bleue attenante, de splendides faïences de Rouen. Ouverte vers l’extérieur, la cuisine est très fonctionnelle. L’imposante cuisinière est un témoin éloquent de l’importance de la cuisine pour une famille de 10 personnes où l’on reçoit beaucoup.

Une fois de plus la scénographie est admirable : la cruche en cuivre posée sur la cuisinière est une véritable nature morte.

Au premier étage, on découvre les chambres de Monet, de sa compagne ainsi que celles de ses filles. Les garçons, quant à eux, occupaient la partie mansardée (qui ne se visite pas).

Deux jardins complémentaires, sources d’inspiration permanente

Mais ce sont bien sûr les jardins qui retiennent toute mon attention.

De nombreuses toiles sont inspirées de ce lieu magique. J’ai été frappée par la profusion des couleurs et des variétés de fleurs, mais aussi par la très grande liberté des agencements.  Tout ici invite à la rêverie, à la promenade méditative en communion avec la nature (à condition bien sûr de s’abstraire de la foule omniprésente). Dans de tels lieux, on rêve de visite privée pour pouvoir découvrir ces merveilles à son aise et en toute quiétude.

Les jardins de Monet sont à l’image de l’œuvre du peintre : tout en nuances et touches de couleur. On comprend mieux sa peinture quand on observe son jardin, comme il a dû le faire. Admirable spectacle que nous offre cette nature colorée et volubile.

Toute sa vie, Monet a capturé sur ses toiles des impressions fugaces, avec quelques coups de pinceau. Monet, expliquait ainsi sa philosophie de base : « Quand vous sortez peindre, essayez d’oublier quels objets vous avez devant vous, un arbre, une maison, un champ…. « . Pensez simplement qu’il y a un petit carré de bleu, un oblong de rose, un trait de jaune, et peignez-le comme il vous semble, la couleur et la forme exactes, jusqu’à ce qu’il vous donne votre propre impression naïve de la scène devant vous. »

Le jardin propose d’infinie variations sur des tons pastel ou vifs, dans un fouillis habilement orchestré. Place à l’exubérance de la nature !

Pour que le jardin soit impeccable sept jours sur sept, une équipe de onze jardiniers y travaillent.

Au fil du temps, le jardin de Monet se développe en deux univers bien différents mais complémentaires, selon que l’on se trouve du côté maison ou du côté étang.

Lorsque Monet s’installe à Giverny en 1883, la maison dispose d’un immense jardin de 1 hectare qui descend jusqu’à la route. Il est composé d’un verger et d’un potager, entouré de hauts murs de pierre et traversé par une allée de sapins que Monet fera abattre, ne conservant que les deux ifs près de la maison.

Le jardin de fleurs ou clos normand

Monet aime jardiner. Il transforme le jardin d’origine en un espace follement riche et changeant. Il y joue avec les couleurs, les formes, les perspectives et les symétries. Il découpe le terrain en plates-bandes à géométrie variable. Arbres fruitiers, rosiers grimpants, massifs et annuelles s’y succèdent au gré des saisons.

Au fil de l’année, le jardin se renouvelle, en un spectacle toujours changeant.

Le jardin de Monet compte parmi ses œuvres, réalisant le charme d’une adaptation de la nature aux travaux du peintre et de la lumière. Un prolongement d’atelier en plein air, avec des palettes de couleurs profusément répandues de toutes parts pour les gymnastiques de l’œil, écrira son ami Georges Clemenceau.

Monet s’investit beaucoup dans son jardin. Il y installe des arceaux métalliques, remplace les pommiers d’origine par des cerisiers et des abricotiers du Japon et couvre le sol de milliers de fleurs. Il crée des effets de perspectives pour mettre en valeur la maison ou créer des zones d’ombres.

Le jardin d’eau et les nymphéas

Dix ans après son installation à Giverny, Monet fait l’acquisition d’un terrain situé de l’autre côté de la ligne de chemin de fer. Il est traversé par un petit cours d’eau, une dérivation de l’Epte.

Il y fait creuser un premier petit bassin « pour le plaisir des yeux ». Il sera agrandi par la suite. C’est là que se trouve le célèbre pont japonais peint en vert et couvert de glycines (qu’il peindra plus de 45 fois).

On accède à cette partie du jardin par un sous-terrain. En parcourant les charmants chemins tout en courbe, on découvre une mini forêt de bambous, des saules pleureurs et d’innombrables massifs d’azalées et de rhododendrons mais aussi des iris et bien d’autres espèces communes ou plus rares.

A l’intérieur de la maison, on a pu admire la collection d’estampes japonaises, ici c’est le style des jardins japonais dont Monet s’inspire.

Sur l’étang s’épanouissent des nénuphars que Monet commencera à peindre en 1897. C’est ici qu’il puise son inspiration pour les gigantesques fresques de nymphéas exposées aujourd’hui à l’Orangerie à Paris.

La visite se termine par l’habituelle boutique cadeau. Celle-ci est logée dans le troisième atelier de Monet, un espace immense où l’artiste a peint les énormes panneaux des Nymphéas.

Informations pratiques

Près de 800 000 visiteurs en 2018. Mieux vaut donc réserver en ligne pour éviter de faire la file !

  • Réservation en ligne: billet coupe-file via > Digitick   > Ticketmaster
  • Accessibilité: de fin mars à fin octobre – le jardin a bien sûr un aspect différent selon les saisons
  • Durée de la visite: environ 2 à 3 heures
  • Tarif: 9,50€ / pers + tarifs réduits

Pour aller plus loin

2 réponses
    • Christiane dit :

      Merci pour votre intérêt pour mes reportages ! En effet, ils ne suivent aucun ordre logique, géographique ou chronologique. Ils émergent au gré de mes pérégrinations ou lors d’une plongée dans les photos et carnets amassés au fil des années …

      Répondre

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