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Bastides et villages perchés du Tarn : circuit en voiture

Impossible de séjourner dans la région d’Albi sans visiter quelques unes des bastides et cités médiévales aux alentours. À pied, à vélo ou en voiture, plusieurs circuits permettent de découvrir ce patrimoine unique niché au cœur de paysages enchanteurs.

Contexte historique

L’origine des bastides albigeoises remonte au temps de la répression des Cathares. Dès 1222, le comte de Toulouse, Raymond VII, encourage la construction de cités nouvelles pour accueillir les populations déplacées mais aussi pour renforcer son pouvoir. C’est ainsi que naissent Cordes-sur-Ciel et Castelnau-de-Montmiral. À la même époque, les défenses d’anciens villages stratégiques tels que Puycelsi sont renforcées.

Mais les raisons de la multiplication des bastides sont également économiques et démographiques. En effet, le 13e siècle est une époque de forte augmentation de la population et de progrès techniques et dans l’agriculture. Il devient nécessaire de regrouper les habitats dispersés et d’aménager l’espace de façon plus rationnelle.

Le modèle des bastides s’étend rapidement à tout le sud-ouest de la France. Plus de 300 bastides voient le jour entre 1222 et 1373, entre la croisade des Albigeois et la guerre de Cent Ans, époque à laquelle nombre d’entre elles sont détruites. Heureusement, il reste encore de nombreux témoins de ces cités si particulières.

Spécificité des bastides

L’appellation bastide qualifie exclusivement certaines cités médiévales du sud-ouest de la France, qui répondent à des caractéristiques économiques, politiques et architecturales communes :  

  • Il s’agit de villes bâties au 13e ou 14e siècle sur des terrains octroyés par un seigneur dans un contrat de paréage qui fixe le statut juridique et fiscal de la bastide.  
  • Les avantages et privilèges accordés aux habitants sont listés dans une charte de coutumes. La gestion de la cité est confiée à un consul élu par les habitants.
  • Les bastides se caractérisent surtout par un plan urbain innovant unique en Europe : un plan en damier organisé autour d’une vaste place de marché, généralement entourée de passages couverts. Cependant, les contraintes topographiques de certains emplacements mèneront à des organisations différentes, comme à Cordes. 

Enfin, même si ce n’était pas forcément le cas au départ, la plupart des bastides se sont dotées de remparts et de portes défensives. Mais seules quelques unes en ont conservé des traces.

Itinéraire tarnais

Octobre 2021 – Par une belle journée ensoleillée, nous prenons la route pour un circuit de 120 km. Comptez une journée pour apprécier la beauté des paysages et la diversité des lieux. Nous empruntons de petites départementales bien tranquilles pour rejoindre quelques villages et bastides emblématiques de la région.

Voici les étapes prévues : Castelnau-de-Lévis, Cestayrols, Castelnau-de-Montmiral, Puycelsi, Bruniquel, Penne et Cordes-sur-Ciel. 

Castelnau-de-Lévis

À 7km au nord d’Albi, le premier village fortifié que nous abordons, se serre au pied d’une forteresse dont il ne reste guère que quelques pans de mur et deux tours imposantes. Édifié entre 1235 et 1256 par un ministre du comte de Toulouse, le château de Lévis occupe un plateau de 150m de long sur 40m de large qui offre une vue panoramique sur les environs.

Une vertigineuse tour de guet de 40 m de hauteur, adossée à une autre tour de 27m de haut, témoigne de l’importance stratégique de cette forteresse. De là-haut, on aperçoit même la cathédrale d’Albi au loin. Une table d’orientation met en lumière les points remarquables.

La destruction du château remonte à la Révolution française. Les pierres servant alors à la construction de plusieurs maisons du village en contrebas. Les vestiges du château sont classés en 1909 et rachetés par la municipalité en 1991. Depuis, une association de sauvegarde veille à la sécurisation et à la promotion du site.

Le tracé du village à ses pieds, étagé sur six niveaux, est resté sensiblement le même depuis son origine. Toutefois les deux niveaux supérieurs ont disparu. Or, le village n’était fortifié qu’à partir du quatrième niveau, celui de l’église. Néanmoins, on peut encore s’en rendre compte en empruntant les ruelles ou escaliers reliant entre eux les différents niveaux

Cestayrols 

Notre prochaine étape ne fait pas partie de l’habituel circuit des bastides albigeoises. Mais la forme particulière de ce paisible village nous intriguait : Cestayrols s’enroule en escargot autour de son église. Bien évidemment, seul un drone permettrait de prendre l’exacte mesure du phénomène. Mais, même au sol et à pied, le tracé des ruelles dessine des courbes révélatrices qui convergent vers une petite église au clocher octogonal

Ici, pas de place de marché centrale mais de jolies ruelles aux courbes élégantes. Un petit village pimpant qui donne envie de s’y promener. C’est d’ailleurs le point de départ d’un sentier des côteaux de 9km qui permet de découvrir un patrimoine rural pittoresque.

Castelnau-de-Montmiral 

Une quinzaine de kilomètres plus loin, au cœur du vignoble de Gaillac et en surplomb de la vallée de la Vère, nous abordons la jolie bastide de Castelnau-de-Montmiral (Montmiral = mont d’où l’on voit) qui appartient à juste titre au club sélect des « plus beaux villages de France ».

Fondée en 1222 par Raymond VII, comte de Toulouse, cette ville nouvelle (castel-nau) s’est développée autour d’un imposant château fort qui servait de tour de guet sur la plaine. Incendié pendant la Révolution française, il n’en reste rien aujourd’hui. Même les remparts ont été largement démolis. Et des six portes d’entrée, seules la Porte des Garrics et la Tour de Toulze sont encore debout.

L’endroit, fort couru en période estivale, est désert en ce mois d’octobre. Tant mieux, nous pouvons ainsi parcourir tout à notre aise les ruelles étroites de cette belle bastide qui a su si bien conserver son caractère médiéval.  

Nous sommes sous le charme de ces maisons en pierre de taille, en briques et à pans de bois qui se succèdent au gré des étroites ruelles. Il se dégage du lieu un calme et une harmonie d’autant plus appréciables que les touristes sont rares … Il doit faire bon vivre ici !

Place des Arcades

Après quelques détours, nous aboutissons à la place du marché. Avec ses galeries couvertes et ses maisons des 16ème et 17ème siècles, la place centrale de Castelnau-de-Montmiral est un vrai bijou.

L’église Notre-Dame de l’Assomption

Même si l’église du 15e siècle ne paie pas de mine de l’extérieur, l’intérieur est assez surprenant avec ses plafonds hauts en couleurs. De plus, elle renferme un trésor : une croix sertie de 300 pierres précieuses, datant de 1341, véritable chef-d’œuvre de l’orfèvrerie médiévale.

Puycelsi

L’heure tourne. Il est temps de reprendre la route vers notre prochaine étape. Une quinzaine de kilomètres plus loin, nous apercevons Puycelsi, perché sur son éperon rocheux. Cette fois il ne s’agit pas d’une bastide mais d’un village médiéval fortifié, également classé parmi les plus beaux villages de France.

Sa position en surplomb offre de fabuleux points de vue sur la campagne environnante et l’emblématique forêt de la Grésigne (plus haute futaie de chênes de la région Midi-Pyrénées).

Fondé au Xe siècle par des moines bénédictins, à la frontière entre l’Albigeois et le Quercy, Puycelsi est souvent nommé la « forteresse des bois » tant elle semble émerger du coeur de la forêt.

Le village fortifié est entouré d’un mur de 850 mètres de long.  

Comme tant d’autres villages, Puycelsi a progressivement perdu une grande partie de sa population, à cause de l’exode rural ou du décès de nombreux jeunes pendant la guerre. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que des vacanciers ont redécouvert la cité et commencé à restaurer les maisons historiques.

Aujourd’hui, le village compte près d’une centaine de résidents permanents, dont un tiers d’étrangers.

On y sent une véritable douceur de vivre. Des bancs à l’ombre d’arbres centenaires invitent à la détente ou à la papote. Et c’est un vrai bonheur de flâner dans ce dédale de ruelles aux jolies maisons aux volets colorés, si bien restaurées, entretenues et entourées de plantes et de mignons petits jardins.

Ici, le temps semble s’être arrêté. L’agitation et la frénésie des villes est très loin …

L’église romane Saint Cornelius, construite au XVe siècle, abrite un retable datant de 1689. N’hésitez pas à pousser la porte de cette petite église apparemment toute simple. Comme nous, vous resterez ébahi par l’intensité des couleurs de la voûte peinte par les mêmes artistes qui ont décoré la cathédrale d’Albi. On ne s’attend pas du tout à trouver de tels trésors dans des églises de campagne.

Au pied de Puycelsi, un verger conservatoire préserve plus de 700 variétés de pommes, poires et vignes locales, pour la plupart oubliées … (visite sur rendez-vous uniquement). De là, un sentier du patrimoine de 12 km vous fera découvrir la forêt de la Grésigne en passant par la cascade de l’Audoulou.

Bruniquel

C’est presque à regret que nous poursuivons notre circuit. Mais les heures s’égrènent inexorablement … et je crains que nous n’arrivions pas au bout de notre programme !

À la limite du Quercy et du Rouergue, au débouché des Gorges de l’Aveyron, une autre cité médiévale nous attend. Sur sa pointe rocheuse, elle surveille les alentours du haut des tours de ses châteaux, à la confluence de l’Aveyron et de la Vère.

Cette ancienne cité marchande, jadis florissante grâce au commerce du chanvre, du lin et du safran, conserve de nombreuses traces de son riche passé. Les marchands et artisans prospères y ont construit de belles maisons richement décorées.

La montée vers le château à travers les rues étroites et fleuries aux belles maisons des 14e, 15e et 16e siècle vaut vraiment la peine. L’atmosphère romantique a d’ailleurs inspiré de nombreux artistes.   

Perchés à plus de 90 mètres au-dessus des méandres de l’Aveyron, le château jeune et le château vieux participent à la magie de ce bourg fortifié.

Malheureusement, les portes du château se fermaient lorsque nous y sommes parvenus. Nous avons donc juste poussé une pointe jusqu’au promontoire surplombant l’Aveyron. Impressionnant !

Penne

Notre route se poursuit vers un autre site d’exception niché au cœur de la forêt de la Grésigne. Véritable nid d’aigle perché sur son éperon rocheux, le village de Penne est dominé par les ruines d’un château qui semblent défier les lois de la gravité.

Aux confins de l’Albigeois, du Rouergue et du Quercy, Penne se dresse comme le gardien des Gorges de l’Aveyron. Ce site Natura 2000 est doté d’une biodiversité rare.   

Classé village de charme, Penne a conservé son authenticité avec ses ruelles étroites bordées de maisons à colombages, ses andrones  et ses fenêtres à meneaux.

Le long des remparts, l’église Sainte-Catherine, de style gothique méridional, participe au système défensif de la cité, en faisant corps avec la porte du Pont.  

Le château de Penne est un magnifique exemple d’architecture royale militaire du 13e siècle. Sa position à 120 mètres au-dessus d’un méandre de l’Aveyron suffisait à dissuader les éventuels assiégeants. Laissées à l’abandon pendant des siècles, les ruines du château, envahies par la végétation, ont trouvé acquéreur en 2006. Un jeune architecte toulousain a acheté le château en ruine, accomplissant ainsi son rêve d’enfant. Avec l’aide de bénévoles du village, il s’est attaqué au site envahi par la végétation, a monté un dossier de subvention et recruté un tailleur de pierre permanent. Seuls des techniques, des outils et des matériaux médiévaux sont utilisés pour la restauration du château.

Depuis 2010, le site est ouvert au public et les ruines du château sont devenues un musée vivant en plein air. Un parcours libre avec panneaux didactiques retrace l’histoire du château.  

L’émission « Des racines et des ailes » a contribué à faire connaître le château de Penne et les villages perchés du Tarn. (les 17 premières minutes du reportage permettent de survoler Penne, Bruniquel, Castelnau-de-Montmiral et Cordes-sur-ciel).

Cordes-sur-Ciel 

Cordes-sur-Ciel est la dernière étape de notre circuit … mais le temps a filé et le soir tombe vite en cette saison. Alors, malgré l’importance et la beauté de cette bastide, nous décidons de ne pas nous y arrêter.

Il est vrai que nous lui avions déjà consacré un après-midi entier lors d’une précédente visite dans la région. Ce sera donc l’occasion de replonger dans nos archives et, qui sait, de consacrer une autre « miette » à cette bastide majeure.

Le circuit des bastides et villages perchés en pratique

Prévoyez une journée entière pour faire le circuit complet. Au vu de notre expérience, voici le timing à prévoir pour chaque étape.

  • Temps de conduite pour l’ensemble du circuit à partir d’Albi : 2h-2h30
  • ½h pour une visite rapide de Castelnau-de-Lévis et Cestayrols 
  • 1h minimum à Castelnau-de-Montmiral, Puycelsi et Penne ;
  • 1h30 à Bruniquel (avec visite du château et de la maison Payrol).
  • 2 à 3h minimum à Cordes-sur-Ciel

Une journée complète est donc nécessaire pour boucler ce circuit extrêmement riche en se donnant le temps de savourer chaque lieu et de s’imprégner des ambiances différentes.

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