Le domaine de Boutemont : un secret normand bien gardé
Niché au cœur du Calvados, à quelques kilomètres de Lisieux, le château de Boutemont fascine non seulement par son héritage millénaire, mais aussi par ses jardins somptueux. Fruit de la vision d’Achille Duchêne, le ‘prince des jardiniers’, le parc du domaine, reconnu comme ‘jardins remarquables’, est un véritable enchantement. Suivez-moi à la découverte de cette pépite méconnue.
Juillet 2023. Comme un secret bien gardé, le château de Boutemont et son parc merveilleux se cachent dans la commune d’Ouilly-le-Vicomte, au bout d’une longue allée bordée d’arbres formant un tunnel de verdure.
Sommaire
Château de Boutemont : mille ans d’élégance et de puissance
Le château de Boutemont était déjà un fief important à l’époque de la conquête normande de l’Angleterre, vers l’an 1000. À cette époque, ce n’était qu’une simple motte féodale, surmontée d’une tour en bois, dominant la basse vallée de la Touques et surveillant une voie romaine essentielle. Cet édifice était alors une sentinelle, un point de contrôle.
À ses pieds s’éleva rapidement un logis seigneurial, qui allait devenir le noyau du château actuel. Trois murs, un fossé d’eau, une cour carrée et un pont-levis en faisaient un symbole de puissance et de prestige. En 1096, le seigneur des lieux s’embarqua pour une croisade audacieuse, participant à la prise de Jérusalem.
Le château s’est transformé au fil des ans et des propriétaires successifs. C’est aux 16e et 17e siècle qu’il prend la forme qu’on lui connaît aujourd’hui : un grand logis en pierre, quatre tours majestueuses, et des bâtiments supplémentaires. Et la superbe façade en pierre et briques qui finit de transformer l’ancienne forteresse en une résidence raffinée.
La Révolution française laissera des marques indélébiles sur le château, qui fut vendu comme « bien national ». Après des années d’abandon, il a finalement été racheté et restauré par les Drouilly en 1915. C’est de cette époque que date la transformation du parc, redessiné par Achille Duchêne.
La Seconde Guerre mondiale a, elle aussi, laissé sa trace sur le château, qui devint alors le refuge du maréchal von Runstedt, puis un hôpital de campagne.
La renaissance du château a réellement eu lieu dans les années 70, grâce à Armand et Hélène Sarfati. Non seulement ils ont restauré sa splendeur, mais ils ont également enrichi ses jardins, avec la création d’un jardin italien, des topiaires impressionnants et des allées majestueuses, valant au château le label de « jardin remarquable ».
Les nouveaux propriétaires (depuis 2020), animés par une passion pour l’art, le patrimoine et les jardins, ont pour ambition d’ouvrir plus largement les portes du domaine au grand public.
C’est par une majestueuse allée bordée de cèdres centenaires, de topiaires et de superbes dahlias blancs, que nous abordons le château.
L’entrée, tournée vers le nord, est constituée d’une imposante poterne qui conserve les traces des anciens ponts-levis.
L’intérieur du château
Seules deux salles se visitent (et encore depuis le seuil) : le salon gothique avec son mobilier de la Renaissance, et la loge, étonnant lieu de rencontres ésotériques.
Le salon gothique
À l’entrée du salon est disposé un magnifique poêle germanique du 18ème siècle, reconnaissable à ses carreaux de céramique peints. À noter que le mobilier historique a disparu pendant la Révolution.
La loge
La loge qui accueillait des concerts et des séances ésotériques affiche un décor de franc-maçonnerie car l’un des anciens propriétaires était lui-même franc-maçon.
La Chapelle
Sur les hauteurs du parc, entourée de grands arbres, on découvre la chapelle de style néo-gothique, , érigée en 1880. Pauline Bouteiller, la châtelaine de l’époque, en est la fondatrice et y repose.
Les jardins remarquables du domaine de Boutemont
Le château est entouré par 9 ha de verdure. Le parc, reconnu Jardin remarquable depuis 2004, a été imaginé par le célèbre paysagiste Achille Duchêne au début du XXe siècle. L’ensemble du parc est entretenu par trois jardiniers, employés à temps plein, été comme hiver.
Connaissez-vous Achille Duchêne ? Illustre paysagiste de la Belle Époque, il a su imposer sa marque au-delà des frontières françaises. Fils d’Henri Duchêne, fervent admirateur des jardins à la française inspirés par Le Nôtre, Achille a rejoint l’agence familiale dès l’âge de 12 ans. Grâce à cet héritage, il a maîtrisé l’art de la perspective et du nivellement, renouvelant ainsi l’attrait pour les jardins « à la française ». Avec la création de près de 6 000 jardins, de Vaux-Le-Vicomte au jardin de Matignon, sa renommée s’étend à l’international. Ses œuvres, véritables fresques botaniques, lui valent le titre de « prince des jardiniers » du XXe siècle.
L’allée des cèdres
Les haies de hêtres, de buis et d’ifs qui bordent les majestueux cèdres centenaires se déploient en une symétrie parfaite, prolongeant la poterne du château.
Soigneusement taillées, les haies confèrent au parc une ambiance élégante et raffinée, tandis que les arbres centenaires apportent une touche de majesté à l’ensemble.
Au centre du jardin à la française, le miroir d’eau
Le miroir d’eau, dessiné par Achille Duchêne, occupe une place centrale dans le parc. Très profond, il abrite de grosses carpes Koi.
Les bordures végétales, les colonnes arrondies, les buis taillés en boule et en canapés ont été conçus par Georges Hayat pour encadrer et mettre en valeur les allées et les perspectives du parc.
La cabane de lutin
Entourée de splendides hydrangea blanc et rose, une petite cabane aux jolis colombages gris clairs trône au milieu d’une vaste pelouse. À l’intérieur, tout le décor est à taille de lutin.
Utilisé par les nouveaux propriétaires pour guider les plus jeunes visiteurs, le lutin de Boutemont emmène les enfants le long des sentiers du parc en posant des questions amusantes. Et chemin faisant, il leur raconte l’histoire du château.
Les chambres de verdure
À l’abri de hautes haies soigneusement taillées, un ensemble de jardins aux ambiances et aux couleurs différentes.
- Le Jardin Blanc : divisé en sections bordées de buis, ici, toutes sortes de fleurs blanches se succèdent au fil des saisons, créant un ensemble foisonnant, mais harmonieux. Au centre une jolie pierre-fontaine, dans un bassin élégant.
- Le Jardin Pourpre : atmosphère très différente et plus naturelle dans cet autre jardin clos où l’on se laisse emporter par l’énergie des couleurs.
- Le Jardin Zen invite à la méditation et à la paix intérieure. Ici, comme partout, des bancs invitent à profiter des lieux.
- De l’autre côté de la serre, le Jardin des Ginkgos, bordé d’hydrangea est un régal pour les yeux.
- Enfin, le jardin italien, au tracé caractéristique, joue sur la symétrie des espaces délimités par des haies basses de buis et des allées gravillonnées qui convergent vers des points de fuite bien étudiés. Et les topiaires accentuent l’effet de perspective.
À travers tout le parc, des ornements choisis avec soin s’intègrent harmonieusement à l’ensemble. On trouve ainsi de grands pots de terre cuite finement ouvragés, disposés çà et là pour apporter une touche de couleur et de relief.
Topiaires et ondes de buis
À Boutemont, une série de buis sont taillés en vagues pour créer une approche plus originale de la sculpture végétale.
Le saviez-vous ? L’art topiaire a des origines très anciennes. Les Romains, excellents jardiniers de l’Antiquité, maîtrisaient déjà l’art du paysage. Durant le Moyen-Age, cette pratique ne survécut que dans les monastères. Il faut attendre la Renaissance pour que l’art topiaire fasse son retour dans les parcs et les jardins, en Italie, en France, en Angleterre et en Ecosse. Le topiaire de buis est devenu l’élément emblématique des jardins à la française, notamment ceux dessinés par André Le Nôtre à Versailles et à Vaux-le-Vicomte.
Le cône de vue
Ne manquez pas d’emprunter l’allée bordée de banquettes de buis, de cylindres d’ifs surmontés de demi-boules et de vases Médicis en terre cuite. Tournez votre regard vers le château, il sera naturellement attiré vers l’une des tourelles d’angle du château, dans un effet de perspective parfait.
Dans tout le parc, la magie de l’art topiaire s’exprime dans la manière de tailler et façonner les végétaux pour guider le regard vers les éléments remarquables du paysage.
Jardin de l’Amour
Au sud du château, le jardin de l’Amour se distingue par ses parterres fleuris bordés de buis bas. De larges bancs invitent le visiteur à se poser, à goûter à la sérénité du lieu et à admirer le château et le parc sous un autre angle.
Allée des pommiers
Enfin, au-delà des jardins « travaillés », on aborde une zone plus dégagée et naturelle, coupée en deux par une longue allée de merisiers et pommiers. Le spectacle doit être féérique au printemps ! C’est aussi dans cette partie que sont proposées des tables pour le pique-nique.
Crèperie et Salon de thé
Après notre longue promenade, nous nous posons avec bonheur à l’ombre d’un grand parasol pour une pause gourmande bien méritée.
Une crèperie / salon de thé est installée depuis l’été 2022 dans l’ancienne orangerie. Une vaste terrasse accueille les visiteurs à côté des serres. Avis aux amateurs, les crêpes et autres pâtisseries y sont délicieuses !
Boutemont en pratique
Visite individuelle avec dépliant et panneaux dans le jardin. Visites guidées sur demande. Privatisation pour réceptions et événements possible. Accès à des tables de pique-nique.
Adresse : 7 Chemin de Bouttemont, Ouilly le Vicomte – Parking gratuit
Horaires : ouvert tous les jours sauf le lundi de 11h à 18h, du 1er juillet à la mi-septembre ; ouvert week-ends, jours fériés et vacances scolaires en mai, fin septembre, octobre.
Tarifs : 9€, seniors 8€, jeunes de 7 à 17 ans 7€, gratuit en dessous de 7 ans. Livret de jeu pour enfant (gratuit).
Durée de la visite : de 1h30 à 2h.
Site web : www.chateaudeboutemont.com
merci pour cette découverte, pourtant français et ayant habité non loin , je ne connaissais pas